WINTZENHEIM . JAZ

La Société d'horlogerie SAP-JAZ


Les anciennes usines colmariennes : La Société d'horlogerie SAP-Jaz


Premier volet d'une nouvelle série d'été, consacrée à d'anciennes usines disparues, qui ont alimenté le bassin d'emplois colmarien et ont fait travailler une main-d'œuvre, majoritairement féminine, de l'après-guerre à un passé récent. Aujourd'hui, l'histoire de l'oiseau jaseur, symbole d'une époque florissante dans la production horlogère de la région. 

Colmar

L'usine de la Société Alsacienne de Précision (SAP) en 1951, rue de la Houblonnière à Colmar (photothèque SHW)

Le 31 décembre 1948, la Société Électromécanique de Paris crée à Colmar, 31 rue de la Houblonnière, la Société Alsacienne de Précision, plus connue sous son abréviation SAP. Une grande première à l'époque, en ce qui concernait la production horlogère dans la région. 

Wintzenheim

Les bâtiments du complexe JAZ à Wintzenheim dans les années soixante (collection Guy Frank)

En 1951, le groupe JAZ SA, dont l'usine principale était située dans la banlieue parisienne, a pris une part importante dans la société colmarienne. Une opération qui a permis à Jaz d'élargir sa collection de luxe, avec l'oiseau jaseur comme symbole. En 1954, pour faire face au développement constant de son activité, la SAP qui fabriquait des réveils de luxe sous la dénomination « Carat », s'implante à Wintzenheim sur un terrain de 40.000 m2 dont 20.000 m2 couverts. Ainsi, les articles d'horlogerie fabriqués dans les usines de Colmar et Wintzenheim sous la marque JAZ ont été vendus dans le monde entier, référencés dans les catégories les plus soignées et les plus luxueuses.

Le premier réveil à transistor cent pour cent électronique, le Jazistor

Wintzenheim

Vue de l'atelier de montage à la chaîne (collection André Voirin)

Grâce à un potentiel en matériel de haute précision et un personnel spécialisé, le nouveau centre horloger dirigé depuis 1952 par Marcel Carpano, était promis à un grand avenir. En 1963, naît le premier réveil à transistor cent pour cent électronique, le Jazistor, suivi en 1966, de l'apparition du mouvement jour et date.

C'est le 13 novembre 1975, que JAZ SA a opéré la fusion-absorption de sa filiale la SAP, l'imbrication des deux entités ne se justifiant plus. En 1976, JAZ SA, première société horlogère française, a jeté tout son poids dans la bataille du réveil électronique. Toutes les quatre secondes, un réveil électronique sortait de l'usine, qui avec ses 820 salariés était la 14e du département et la 23e de la région Alsace. En 1979, Matra devient le principal actionnaire de JAZ SA.

L'entreprise produisait en 1982, 600 000 réveils et pendules par an, mais ne fabriquait pas de montres, celles qu'on y trouvait, étaient confiées au service après-vente pour réparations. L'horlogerie ne représentait plus qu'une activité sur les trois secteurs de l'usine. Ainsi l'atelier plastique ouvert six ans auparavant travaillait pour l'armement en réalisant des lentilles optiques haute précision pour missiles.

L'usine a fermé définitivement ses portes en 1990

Wintzenheim

La salle des presses et du découpage des pièces (collection Yvonne Lebesque)

En 1980, des conflits sociaux ont eu pour cause des suppressions d'emplois ; seuls 69 sur les 90 demandées par la direction ont été acceptées par l'Inspection du travail. JAZ, qui comptait trois ans auparavant entre 800 à 900 salariés, s'est retrouvé avec un effectif de 520 personnes. L'accord signé en 1981 entre Matra et Hattori, le fabricant de Seiko, est à l'origine de l'abandon par JAZ d'une partie de la fabrication des calibres pour ses réveils et pendules à quartz, au profit de mouvements japonais.

Quant au secteur informatique, il produisait, à partir de 1983 un millier d'exemplaires par an, l'ordinateur Alyane, destiné aux applications professionnelles. L'usine, dont l'effectif était de 1.000 employés en 1975, est ainsi passée à 500 salariés dont 350 femmes. Après le déclin inéluctable de l'horlogerie, le transfert des activités de Wintzenheim à Besançon a scellé le sort de l'usine qui a fermé définitivement ses portes en 1990.

Jean-Robert Haefelé, DNA du dimanche 20 août 2017 (sources : Guy Frank, membre de la Société d'Histoire de Wintzenheim)


Témoignages d'anciens

Yvonne Lebesque, ouvrière, 23 ans chez Jaz (photo Jean-Robert Haefelé)

Yvonne Lebesque, 88 ans, raconte : « J'ai été employée comme ouvrière chez Jaz pendant 23 années, de 1961 à 1984, où j'ai pris ma préretraite, j'étais affectée à l'atelier de découpage des pièces, sur des presses qui était très bruyantes ; nous étions une majorité de femmes ainsi qu'à l'atelier de montage ; nous travaillions dans une bonne ambiance, à raison de 55 heures par semaine, samedi matin compris ; c'est en tramway à 6h du matin que je me rendais à l'usine, puis après sa suppression, en bus. Je retrouve de temps en temps quelques anciennes collègues sur les bancs de la ville pour échanger des souvenirs communs ».

Klopfer

Henri Klopfer, ingénieur, 27 ans d'ancienneté (photo Jean-Robert Haefelé)

Henri Klopfer, 83 ans, après sa formation au collège technique a été embauché en 1952 à l'usine de la SAP à Colmar : « J'ai débuté comme simple ouvrier fraiseur à l'usine rue de la Houblonnière, puis comme régleur sur machine, jusqu'à mon départ en 1955 pour l'armée ; démobilisé fin 1957, je suis retourné chez Jaz, où ils m'ont intégré au service développement des nouveaux produits, d'abord comme dessinateur, puis j'ai assumé la charge de rapatrier certaines productions d'une autre usine ; suite à des formations internes et des cours du soir au conservatoire des arts et métiers, j'ai réussi à gravir les échelons jusqu'au diplôme d'ingénieur ; je suis parti en 1981, quand le déclin de l'usine était inéluctable ».
Petite anecdote, en mars 1976, Henri Klopfer avait fait visiter l'usine à M. Maigrat, collaborateur de Lionel Stoleru, nouveau secrétaire d'État, chargé des problèmes des travailleurs manuels. Il était accompagné de Jean-Pierre Raffarin, attaché parlementaire.

Jean-Robert Haefelé, DNA du dimanche 20 août 2017


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