WINTZENHEIM . JAZ

Les Schiele Industriewerke


 L'usine "Schiele Industriewerke" - SBIK


Wintzenheim

Placée sous séquestre par les Allemands dès leur arrivée, l'usine fut réquisitionnée pour les Schiele Industriewerke (Inh. Franz Schiele) de Hornberg/Bade, qui y fabriquèrent des pièces électriques pour avions et T.S.F. Le directeur de l'usine (Dipl.Ing. Friedrich Oskar Röthy) habitait route de Colmar, près de la halte de Wettolsheim. Lors du retrait des Allemands, les machines furent rapatriées à Hornberg (Schwarzwald).

Wintzenheim

Carte de travail du serrurier Émile Schillinger, délivrée le 17 octobre 1944

Le logo SBIK signifie "Schiele und Bruchsaaler-Industrie-Konzern
Texte au verso :
Dieser Ausweis gilt auf Widerruf. Bei Ausscheiden aus dem Betrieb oder auf Verlangen ist er sofort abzugeben. Der Ausweis ist stets bei sich zu führen und beim Betreten und Verlassen des Werkes vorzuzeigen.

(collection Guy Frank)

 

Témoignage de Martin Schaffar

Né le 4 décembre 1926, Martin Schaffar avait 16 ans en 1942, lorsqu’il s’est retrouvé victime d’une coxalgie. En septembre 1944, il fut déclaré « KVH - Kriegsverwandungsfähig in der Heimat », et fut affecté à un atelier de perçage des Schiele Industriewerke de Wintzenheim. Il y a travaillé jusqu’en janvier 1945. L’usine employait plusieurs centaines de travailleurs (hommes, femmes, exemptés du service militaire, etc…), en équipes de 3x8. On y fabriquait des « Unterseeboots-Schalter » (relais pour sous-marins). Lors des alertes aériennes, les ouvriers couraient à travers la Stiermatt pour aller se réfugier dans les profondes caves du Bierkeller, creusées à même la colline.
En janvier 1945, Martin a dû participer au démontage des machines, sous le contrôle des SS. Elles ont été transportées vers la gare de Colmar sur des voitures tirées par des chevaux, la plupart du temps la nuit ou très tôt le matin, pour éviter les attaques aériennes. Martin a appris par la suite que la plupart des machines ne sont jamais arrivées à leur destination en Allemagne, les trains ayant été bombardés en cours de route…

Source : Martin Schaffar, 76 ans (propos recueillis par Guy Frank le 8 juillet 2002)

 Martin Schaffar est décédé le 13 février 2003 dans sa 77ème année.

Wintzenheim
(photo Guy Frank, 8 juillet 2002)

Témoignage de René Maurer

Né à Soultz le 31 août 1929, René Maurer a fait son école primaire à Wintzenheim avant d’aller à l’Ecole Pratique (Beruffachschule) de Colmar. A la fermeture de l’établissement en 1944, il est entré comme apprenti (Maschinenschlosserlehrling, Rüstungsgehilfe) dans l‘usine Schiele Industriewerke de Wintzenheim. Après la guerre, du 14 mai 1945 au 15 mai 1948, René a poursuivi son apprentissage d’ajusteur cher Brenckmann-Ittel à Colmar. Après une carrière bien remplie, il a pris sa pré-retraite en 1986, après 43 années de travail.

Wintzenheim
(collection René Maurer)

Wintzenheim
(photo Guy Frank, 6 mars 2003)

A l’entrée de l’usine Schiele Werke, était posté le gardien (Werkschutz), dans son uniforme noir, qui contrôlait les laisser-passer. Puis on accédait à la salle des presses et des tours automatiques (ouvrier : Alfred Unternehr).

A l’arrière du bâtiment, dans la chaîne de montage placée sous l’autorité du chef d’atelier (Werkmeister) Rabe, travaillaient les femmes. Elles occupaient surtout des postes de soudure pour l’assemblage de petits ensembles électroniques. A côté de la chaîne, au contrôle-qualité (Prüfraum), travaillait Anne Knaus, la sœur du tailleur. Un jour, Le chef de l’atelier des apprentis nous a demandé de réfléchir à un système empêchant les fers à souder de brûler les tables. C’est moi qui ai trouvé la solution : un petit support vissé sur la table, permettant de poser les fers en toute sécurité…

Il y avait encore une forge, qui réalisait les grandes pièces d’outillage (ouvrier : René Schaffar), une menuiserie (ouvrier : Scheidecker), un atelier de peinture (ouvrier « Spritzlakierer » : Paul Zehler), et enfin un magasin où étaient stockées les pièces détachées.

Nous arrivons enfin à l’atelier où travaillaient les apprentis sous la responsabilité du chef Heintze et de son adjoint Joseph Ringenbach. Dans cet atelier toujours impeccable, on apprenait à limer, à percer, et on réalisait des matrices pour les presses ainsi que des pièces détachées pour le montage. Dans cet atelier contrôlé par l’ingénieur Liebel, travaillait le tourneur François Hornischer, ainsi que Ernest Boeckler, qui montait des interrupteurs à leviers (Auslösungsschalter) dont l’utilisation nous était inconnue. Mais s’agissant de pièces hermétiques à l’eau, on pouvait imaginer qu’elles étaient destinées à des sous-marins… (apprentis : René Maurer, Alfred Steidinger, fils d’un contremaître allemand, André Dirninger de Wintzenheim, Théo Ratzmann de Colmar). Nos horaires de travail étaient raisonnables : 8 heures par jour, pas d’équipes de nuit, et l’ambiance était plutôt bonne. Les Allemands étaient sévères, très portés sur la propreté, mais corrects.

De nombreux ouvriers venaient de la vallée de Munster ou de la cité des jardins à Colmar (actuellement quartier Sainte-Marie). Ces derniers venaient en tram. Le directeur de l’usine, M. Röthy, nous disait souvent « Die Stolz von unserem Volk, sind unsere Lehrjunge », la fierté de notre peuple, ce sont nos apprentis, car un jour ils prendront la relève des anciens.

Vers la fin de la guerre, lors des alertes aériennes, les ouvriers couraient se réfugier dans les Bierkeller. Début 1945, l’entreprise a démonté les machines pour les rapatrier en Allemagne, surtout des automates. Mais elles ne sont pas allées bien loin : sur le pont du Rhin, les mitrailleuses des « Jabos » * les ont prises pour cible et détruites.

(Source : propos recueillis par Guy Frank le 6 mars 2003)

* JABOS

Jagd Bombers était le surnom donné par les Allemands aux chasseurs-bombardiers alliés qui avaient la maîtrise du ciel à cette époque, et notamment les P-47 Thunderbolt. Le P-47 fut aussi très employé dans l'attaque des objectifs au sol. Armé de 8 mitrailleuses 12,7 mm Browning et de 10 roquettes de 127 mm, il était redoutable et causait des dégâts irréversibles aux convois par route ou chemin de fer.

Source : Internet



Un effectif surdimensionné ?

Vendredi 2 juillet 1943. Mme Losser, qui habite dans notre maison à Colmar, est forcée de travailler dans la fabrique Schiele à Wintzenheim. Cependant, il n'y a pas beaucoup à faire par manque de commandes ; bien souvent, on se croise les bras, mais la présence de tout le personnel est obligatoire. Il paraît que les directeurs des fabriques en Allemagne sont payés d'après le nombre des ouvriers qu'ils emploient, c'est pourquoi ils réclament toujours de nouveaux ouvriers pour augmenter de cette façon leur traitement. De même, les Bürgermeister (maires) touchent un traitement en relation d'après le nombre d'habitants de leur commune. C'est, me dit-on, la raison pour laquelle les villages voisins d'une grande ville perdent leur indépendance et font partie de la grande ville. Ainsi, les villages d'Ingersheim et de Horbourg sont réunis à Colmar et le Herr Oberbürgermeister Manny touchera un traitement plus élevé. La fabrique Schiele produit, entre autres articles, des commutateurs. Dernièrement, six mille furent renvoyés comme inutilisables. Il y a eu un acte de sabotage.

Source : Ma ville à l'heure nazie, Colmar 1940-1945, Marie-Joseph Bopp, La Nuée Bleue, 2004

Témoignage de Pierre Aubert

Si Wintzenheim fut bombardé par l'artillerie, la commune échappa de très peu à une opération aérienne qui avait pour objectifs d'une part l'usine Schiele Industriewerke où se fabriquaient des appareils de bord pour la Luftwaffe et la Kriegsmarine, et d'autre part, la rue des Caves où dans ces dernières s'était camouflé un état major allemand. Ce qui n'aurait pas été sans pertes civiles malgré les précautions ordonnées. Tout ceci fut d'abord retardé à cause de brouillards persistants, et ensuite abandonné vu l'évacuation par les Allemands.;

Source : Wintzenheim - Après le 5 février 1945 : les aviateurs aussi


WintzenheimUne femme à l'examen d'ouvrier spécialisé

Réussite à l'examen de monteur de machines automatiques (Automateneinrichterin). Un moment de fête dans l'entreprise.

C’est effectivement un événement lorsqu’une femme qui était, il y a quelques années encore, vendeuse derrière le comptoir d’un magasin, réussit un examen d’ouvrier qualifié. Après trois années d’apprentissage, Léontine Gebhard, de Wintzenheim, âgée de 24 ans, se présente devant le jury et passe avec succès l’examen de monteur pour machines automatiques, c'est à dire une vraie qualification d’ouvrier spécialisé.

Pendant trois ans, la jeune femme, mère d’un enfant, a travaillé dans l’entreprise* en acquérant par une formation exemplaire grâce à son maître d’apprentissage les connaissances nécessaires. Ainsi l’on peut dire aujourd’hui que devant l’automatisation d’une machine extrêmement compliquée "elle est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut".

Léontine G. est la première femme en Alsace, probablement aussi la première dans tout le Reich, à avoir réussi un examen dans ce métier. Cet examen nécessite non seulement un savoir technique, mais aussi des connaissances en dessin et en mathématiques qu’elle a acquises très rapidement et dans lesquelles elle se distingua particulièrement lors de son examen.

À l’occasion de la fin de cette formation des apprentis parmi lesquels Madame G., la direction de l’entreprise avait organisé une petite fête à laquelle étaient invités le Kreisleiter (responsable de l'arrondissement) Glas, le Kreisobmann Wicker, le Regierungsrat (conseiller d'État) Burkardt, directeur de l’office du travail, le maire Irrmann, ainsi que d’autres représentants du parti, de l’état et de l’armée.

L’orchestre et la chorale de l’entreprise soulignèrent la solennité de cet évènement par des interprétations musicales et des chants.

Le directeur de l’usine, M. l’ingénieur F. O. Röthy salua les invités en soulignant le sens profond de cette cérémonie. Il s’agissait de libérer des études une série d’apprentis qui avaient réussi l’examen d'ouvrier qualifié. Ils étaient prêts à s'envoler et à devenir de précieux collaborateurs de l’entreprise. Cette journée sera à marquer d’une pierre blanche dans la carrière de ces jeunes gens. Et c'est avec une joie particulière que le chef d’entreprise souligna que cette fois-ci, une femme avait elle aussi réussi cet examen, et l’entreprise était particulièrement fière que cet évènement ait pu avoir lieu en pleine guerre. Cette jeune femme a su s'intégrer dans le groupe des plus valeureux membres du personnel de l'entreprise.

Le Kreisobmann Wicker prodigua aux jeunes apprentis qui venaient de réussir leur examen à l'issue de leur formation quelques conseils pour leur vie professionnelle future. Qu’ils deviennent des hommes honorables et appliqués à qui le succès sera assuré. La réussite de Madame G. à cet examen est un événement qui dépasse les limites du Kreis (arrondissement). L’orateur rendit hommage à cette femme et à toutes les femmes en général qui n’ont pas peur de travailler dans les usines et de forger les armes pour les hommes qui se battent au front pour la sécurité de la patrie.

L’État national-socialiste sous la direction du Führer Adolf Hitler voit la vocation de la femme dans la maternité et la tenue du foyer familial. C’est de la nécessité de la guerre que naquit l’engagement de la femme dans les usines et la femme allemande a prouvé par ses efforts qu’elle pouvait assumer son devoir dans un engagement total. Madame G. a souligné le principe national-socialiste du travail par son engagement vraiment exemplaire. Si depuis des siècles nous connaissons l’expression "un homme vaillant" cette guerre a créé la "femme vaillante", non pas la femme-soldat comme en Union Soviétique, mais la femme valeureuse, appliquée, qui s’engage jusqu’au bout de ses forces dans les usines d’armement pour la victoire de l'armée allemande.

Le Kreisobmann remercia chaleureusement le directeur et les cadres de l'entreprise pour leur façon exemplaire de diriger le personnel et pour l’esprit de camaraderie qu’ils ont su insuffler à cette usine. Seul cet esprit permet d’atteindre la qualité qui doit de nos jours être exigée de la production dans chaque entreprise.

Le représentant de la Chambre de Commerce du Gau Oberrhein, Pg Deutsch **, remit les diplômes aux apprentis et à la nouvelle ouvrière spécialisée, Madame G., en recommandant aux apprentis de travailler en se formant et se perfectionnant afin de devenir des "hommes" au vrai sens du terme. Il leur expliqua aussi que jusqu’à leur incorporation dans le RDA (Reicharbeitsdienst) ils auraient encore à accomplir une période d’apprentissage.

C’est par des paroles particulièrement fortes que le Kreisleiter Glas souligna la valeur morale du travail. Seul celui qui connaît le travail et a grandi dans le travail peut mesurer ses forces avec la vie dans la communauté nationale. Celui qui ignore ce que l’on ressent en étant combattant et travailleur, n’a pas compris le sens de la vie. Il souligna le principe qu'aujourd’hui le rendement et la qualité sont les seules toises pour mesurer la valeur d’un homme.

Il renia avec insistance le dicton mensonger "c’est l’argent qui régit le monde". Seuls le travail et l'intelligence régissent le monde, car si demain tous les ouvriers arrêtaient leur travail, toute valeur serait ébranlée dans sa base. Dans le Reich d’Adolf Hitler, seuls sont des citoyens à part entière le paysan, l’ouvrier et celui qui travaille de ses mains ou de son intelligence. Les apprentis devraient constamment avoir ceci à l’esprit et ainsi prendre plaisir à la vie, rayonner de vitalité et être ainsi les piliers de l'Etat national-socialiste.

L’assemblée, et particulièrement les jeunes, applaudirent chaleureusement les paroles enthousiastes du Kreisleiter, et après la remise d’un petit cadeau souvenir par le directeur de l'entreprise, ils entonnèrent vigoureusement l'hymne au Führer.

Source : Kolmarer Kurier du mardi 25 avril 1944 (article traduit par Jacqueline Strub)

* SchieleIndustrieWerke à Wintzenheim (actuel site Jaz)

** Pg. = Parteigenosse : membre du parti nazi ; l'abréviation Pg est utilisée comme titre honorifique placé devant le nom


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